"The End of Days", nouvel album de MATT ELLIOTT [folk / Nancy]

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Que reste-t-il quand vous êtes sans mots ? Ce qui reste? La mort, peut-être, mais aussi la vie… Que reste-t-il ? Une forme de crainte qui émousse ? Un enthousiasme qui se tarit ? Une curiosité qui n’a plus de sens ? Une recherche qui ne trouve plus son chemin ?
Peut-être y a-t-il encore la vision, la croyance en ce qu’on voit, en ce qu’on devine au-delà.

Nous avons quitté Matt Elliott après un Farewell To All We Know visionnaire, pour ne pas dire annonciateur de la crise collapsologique qu’était le COVID 19. communauté? Il ne reste plus qu’à se dépasser encore et encore, à creuser encore et encore dans les mêmes obsessions, à les apprivoiser, à les domestiquer. Ce neuvième album de Matt Elliott sous son propre nom, si l’on laisse de côté son côté plus électronique, Third Eye Foundation, est en quelque sorte une évidence. Il y a chez l’artiste britannique une force d’expansion créative qui fait de chaque disque, surtout depuis le début de sa collaboration avec le producteur et multi-instrumentiste David Chalmin, une capacité à toujours se dépasser, à toujours nous surprendre à travers des combinaisons que l’on croyait connaître. mais qui, à chaque fois, sont nouveaux.

Bien sûr, on aimerait classer Matt Elliott dans un genre ou un autre, mais plus qu’une école ou un style, l’Anglais s’inscrit finalement plus dans la lignée d’un héritage, d’une tradition plutôt, celui de la complainte, du chant de lamentation. qui va de continent en continent, de pays en pays. Des chants rébétiques grecs au Fado portugais, en passant par le Delta Blues, les fanfares balkaniques, la mélancolie yiddish ou la Saudade capverdienne, tout s’entend dans la musique de Matt Elliott, le chant d’un déraciné, d’un apatride, d’un être hors du monde.

Là où le désespoir pouvait être paroxystique sur The Broken Man (2011), il se dissout désormais dans une délicatesse tel un trompe l’œil. Elle laisse plus de place au silence, qui est une autre forme d’expression de ce que l’on pourrait résumer par la sensibilité dans sa forme la plus noble. Parler de soi en s’oubliant, s’évoquer dans ce qu’on est profondément comme pour mieux anéantir sa présence.

Matt Elliott vient ajouter un nouvel élément à sa science de la lamentation avec l’apparition du saxophone utilisé comme vous ne l’avez jamais entendu. Oubliez John Coltrane, ici il ne s’agit pas de virtuosité mais plus simplement et plus justement d’une contribution au récit de ces chansons amples, à la construction minutieuse et patiente. The End Of Days, en ouverture, tout en apaisement, en langueur relève quelque chose de remarquable chez le Matt Elliott de 2022, c’est cette volonté de jouer avec le manichéisme dans ces chansons ni seulement grises, ni totalement noires.
Matt Elliott chante cet espace infiniment petit, cet entre-deux entre joie intense et tristesse absolue, cette frontière entre l’indicible et le partagé. D’où ce sentiment de nervosité, d’urgence qui traverse chacune de ces compositions. January’s Song nous rappelle à quel point Matt Elliott construit chacun de ses disques comme un enchaînement de mouvements musicaux, il y a quelque chose de presque baroque dans ce deuxième titre, quelque chose de fin de siècle, quelque chose de pas si éloigné des formules d’un Santiago De Murcia. Et puis il y a ces titres qui disent tout comme ce Song Of Consolation ou Healing A Wound Will Souvent Begin With A Bruise, peut-être l’un des plus beaux titres de sa discographie. Avec lui, on ressent de plus en plus cette tentation orchestrale, comme s’il tentait de concilier son alias Third Eye Foundation avec ce qu’il a accompli dans sa carrière solo. Écouter les disques de Matt Elliott, ce n’est pas seulement écouter un artiste qui aurait abandonné la dimension électronique de son travail. C’est bien plus que ça, c’est voir un artiste qui laissera une empreinte différente, Flowers For Bea en est sans doute le plus bel exemple.

Un peu comme Dominique A qui a mis des années à endosser le rôle de chanteur, Matt Elliott a choisi de ne pas cacher sa voix derrière des artifices de production. Sa voix n’a jamais été aussi belle, aussi forte, aussi pleine de nuances que sur Unresolved. Il y a une sorte de lâcher-prise tant dans ses paroles que dans son chant qui est quelque chose de nouveau dans le travail du musicien.
Il y a chez Matt Elliott cette force d’expansion, cette capacité à enlever les scories, les parasites qui dérangent pour ne garder que l’essentiel, l’émotion qui n’est ni brute ni forte, non, la vraie émotion.