FEDELAB : compte-rendu de la rencontre « Du disque à la scène : quelle place pour un label dans l’écosystème de la musique d’aujourd’hui ? »

Compte-rendu de la rencontre
« Du disque à la scène : quelle place pour un label dans l’écosystème de la musique d’aujourd’hui ? »

 

Dans le cadre du forum entreprendre dans la culture et de ses déclinaisons en région, la Fédélab (Fédération des labels alsaciens) a organisé le 9 avril 2015 une table-ronde1 sur le thème :

« Du disque à la scène : Quelle place pour un label dans l’écosystème de la musique d’aujourd’hui ? ».

Près de 30 participants se sont réunis pour questionner les mutations en cours, l’évolution des métiers, la notion de valeur artistique et les politiques de soutien au secteur de la production musicale.
Des intervenants issus de structures locales et nationales ont animés les débats, partagés leurs expériences et évoqués leurs points de vue :

  • « Bill » Xavier Collin – Editeur : WTPL Music / Membre du bureau de la FELIN, membre du CA de l’UPFI
  • MOnsieur MO – Producteur : Jarring Effects /    Trésorier de CD1D, Président de la FEPPRA
  • Julien Holh – Producteur : Deaf Rock Records / Studios : Deaf Rock Studio
  • Julien Rimaire – Président de la Fédélab – Producteur : Hell Prod
  • Jean-Luc Gattoni – Responsable de la plate-forme Artefacts / La Laiterie

Modération : Joël Beyler – Trésorier de la Fédélab / Producteur : #14 Records

Cette rencontre a permis d’interroger l’évolution des métiers de la musique enregistrée et de la production phonographique, filière en mutation depuis de nombreuses années, entre crise du disque, évolution des pratiques de production et des pratiques de consommation de musique (usages numériques, dont le streaming). Alors que les métiers du disque et la scène étaient auparavant bien dissociés, les frontières sont toujours plus poreuses : le spectacle vivant – le live- occupe une place prépondérante dans le secteur musical et redistribue les cartes, entre rachat de labels et logiques de concentrations verticales. Quelle est la place d’un label dans l’écosystème musical d’aujourd’hui ? Quel rôle occupe-t-il dans le développement d’artistes ou de groupes ? A l’échelle d’un territoire, quel intérêt de se regrouper en fédération ? Pour quels objectifs et quelles actions ?

Vous trouverez ci-après les points clés des échanges…

Une seule certitude – la finalité est partagée par tous : défendre la diversité musicale et la production indépendante.

Contexte de création et mission de la Fédélab

Julien Rimaire, président de la Fédélab, revient sur le contexte de création de la fédération des labels alsaciens : l’idée d’une fédération de labels est née de rencontres entre acteurs des musiques actuelles, initiée notamment par la Fédération Hiero Strasbourg. Se connaître, se rencontrer, échanger et partager des informations, faire valoir le métier de labels sont les idées qui ont fait naître la Fédélab, en octobre 2013, autour de 9 labels fondateurs. La fédération se donne pour but l’aide au développement et la promotion des labels indépendants et des éditeurs alsaciens. La Fédélab souhaite défendre la juste place des structures qui la composent au sein de la filière musicale en mettant en avant l’importance de leur travail dans le développement des groupes et artistes. Elle désire également favoriser la mutualisation des services et des compétences, la collaboration entre les acteurs et réseaux de la filière phonographique, et participer à la structuration de la filière musicale en Alsace.

Activités et structuration des labels, modèles économiques

Julien Hohl (Deafrock Records) et Julien Rimaire (Hell Prod) évoquent tous deux leurs parcours dans le milieu musical. Leurs témoignages mettent en lumière l’évolution et la diversification des activités dans leurs structures respectives (label puis booking, management, relation presse, etc.). Pour Deafrock, le développement du projet s’est également traduit par le rachat d’un studio d’enregistrement qui leur offre une totale autonomie et leur permet de proposer des prestations extérieures, sources de recettes propres.

Monsieur MO et Bill présentent à leur tour leurs activités et abordent la question du 360° : la diversification et l’approche globale des différents métiers autour de l’artiste sont souvent liées au pragmatisme (« le groupe ne trouve pas de tourneur, le label s’occupe alors du booking ») et à la nécessité économique (l’économie des artistes en développement étant fragile, la diversification des activités permet de multiplier les sources de revenus). Attention toutefois à être en capacité d’assurer les missions et d’apporter une valeur ajoutée aux artistes et aux groupes.

La structuration juridique a également été abordée : les activités supports (booking, management) et la production phonographique sont souvent juridiquement séparées : les activités supports sont souvent envisagées dans le cadre associatif alors que la production phonographique est davantage envisagée dans le cadre de sociétés commerciales (SARL), relevant davantage d’activités lucratives. Les statuts coopératifs (SCOP, SCIC) sont aussi évoqués, offrant de belles perspectives pour concilier logiques économiques/entrepreneuriales & valeurs/sens du projet.

Les aides aux disques proposées par les sociétés civiles sont d’ailleurs ouvertes aux sociétés commerciales ; les intervenants relèvent également l’importance du crédit d’impôt sur les sociétés proposé par l’Etat pour les producteurs phonographiques, ainsi que le plan de soutien aux labels, proposé par le Ministère de la Culture à deux reprises par le passé. Le non-aboutissement du Centre National de la Musique est par ailleurs évoqué. Il est précisé que les aides à la production sont de véritables leviers mais qu’elles nécessitent une capacité d’avance de trésorerie et une structuration administrative en bon ordre de marche. Les aides aux disques sont d’ailleurs souvent conditionnées par la conclusion de contrats d’artistes (qui supposent notamment le versement de cachets d’enregistrements aux artistes) ; les productions en licence n’étant pas éligibles à ce type d’aide.
Jean-Luc Gattoni nous présente le dispositif d’accueil et d’hébergement des labels proposé par la plate- forme Artefacts permettant de créer un écosystème favorable au développement des labels.

Les fédérations de labels et les politiques de soutien

Monsieur MO nous présente la FEPPRA (Fédération labels Rhône-Alpes) fondée en 2009et regroupant près d’une centaine de membres. Dès sa création, la FEPPRA s’est donné pour ambition de peser dans les débats et s’est doté d’une feuille de route : les 12 travaux de la FEPPRA. Par ailleurs, la FEPPRA, tout comme la FELIN (Fédération nationale des labels indépendants) attache beaucoup d’importance à la production de chiffres et d’indicateurs quantitatifs, pour permettre la construction d’argumentaires à destinations des acteurs politiques et des décideurs. Grâce à cet engagement de la FEPPRA, la filière de la musique enregistrée bénéficie d’une réelle reconnaissance en Rhône- Alpes qui se traduit par diverses formes de soutien.

Ainsi, la fédération FEPPRA est soutenue :

  • pour son fonctionnement, par la Région Rhône Alpes (40 k€ / an) et par l’Etat (DRAC), ce qui lui permet d’avoir 2 salariés permanents,
  • ponctuellement, par la Région Rhône Alpes, pour des aides aux déplacements (présence FEPPRA lors de festivals ou salons professionnels nationaux ou internationaux), et à l’occasion du Disquaire Day qui est coordonné par la FEPPRA.

Par ailleurs, la filière de la production phonographique est, elle-même, toujours soutenue par la Région puisqu’il existe une aide à la production phonographique d’un montant global de 300 k€, avec un montant moyen d’intervention par projet de 8 k€.

Il est également cité l’exemple de la Fédération FEPPIA (Aquitaine): les labels d’Aquitaine bénéficient d’aides à la structuration.
Dans le nord, la fédération MINE est à l’heure actuelle encore moins structurée que les autres exemples cités ci-dessous. Les différentes fédérations, tout comme la Fédélab, sont membres de la fédération nationale FELIN, pour agir et se doter d’une représentation nationale.

Ces engagements traduisent une réelle volonté politique : bien évidemment, le support disque semble aujourd’hui révolu… pour autant les groupes doivent toujours avoir une actualité phonographique ; par ailleurs, le disque se vend toujours, notamment sur certains marchés de niches ou lors des concerts. Le disque représente encore une fonction de « carte de visite » nécessaire pour démarcher les différents partenaires de la filière.

Les labels indépendants sont les premiers découvreurs de talents et de véritables défricheurs de sons : leur accompagnement est essentiel pour l’accomplissement des artistes et leur accès à un public plus large. Ils participent au développement des groupes et artistes et prennent des risques financiers en investissant sur le développement.

Le soutien à la production phonographique et aux labels est d’autant plus primordial que l’économie des labels est fragile, et bouleversé par les nouvelles pratiques de consommation de musique, notamment le streaming.

Dans le nord, la fédération MINE est à l’heure actuelle encore moins structurée que les autres exemples cités ci-dessous. Les différentes fédérations, tout comme la Fédélab, sont membres de la fédération nationale FELIN, pour agir et se doter d’une représentation nationale.

Les intervenants posent également la question de la multiplicité des fédérations. Il faut être vigilant à ne pas cloisonner les métiers entre eux mais au contraire d’avoir une approche d’ensemble au niveau de la filière.

Les fédérations proposent également de façon régulière des formations autour des métiers du disque et de la musique, en partenariat avec d’autres structures culturelles.

Cartographie des fédérations en région

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CD1D, la distribution et le streaming équitable

Monsieur Mo nous présente également la Fédération CD1D dont il est trésorier. CD1D est une fédération professionnelle créée en 2004 qui regroupe aujourd’hui plus de 275 labels (associations, SARL, SCOP…). L’objectif de cette fédération est de proposer de nouvelles formes de collaborations et de diffusion de la musique, centrées sur le respect des artistes et du public, la diversité musicale et la mise en place durable de réseaux alternatifs de distribution et diffusion.
CD1D permet aux labels de s’unir, de mutualiser leurs moyens, de réfléchir et de s’adapter collectivement aux mutations engendrées par le développement technologique et les évolutions du milieu du disque. La recherche de nouveaux modèles économiques alternatifs est un des axes forts du projet. La distribution équitable proposée par CD1D permet de reverser 85% de ventes aux labels.

Modèle de répartition lors de la vente d’un disque (source : CD1D)

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CD1D a également développé la plate-forme 1D-touch : au travers d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), elle expérimente une plateforme de diffusion (streaming) centrée sur les contenus culturels indépendants et un nouveau modèle économique alternatif et équitable : La Contribution Créative Territoriale. Fondé sur le paiement d’un abonnement (la contribution créative) par des lieux et des collectivités (salles de concerts, bibliothèques, pôles jeunes, MJC, comités d’entreprises, conseils régionaux, conseils généraux, communautés de communes, villes, …), la société coopérative peut alors rémunérer de façon juste les artistes et les labels.

D’autres expériences de distribution alternatives sont également évoquées par les intervenants ou le public : distribution des CD en partenariat avec les librairies en Aquitaine, le Disquaire Day autour du vinyle, les paniers culturels et les AMAP Culturelles qui proposent des produits indépendants. Ces initiatives sont à soutenir et à développer pour réinventer de nouveaux circuits de distribution à dimension locale ou régionale.

Un des enjeux est également l’éducation et la sensibilisation des consommateurs de musique : il est primordial d’agir en faveur des collèges et lycées pour promouvoir la production indépendante, les métiers de la musique, les logiques de production/création musicale et sensibiliser aux modes de production de la musique (qui ne peut être gratuite..).

Concerts & Show-cases

La soirée s’est ensuite poursuivie autour de mini-concerts & show-cases, autour de la programmation
suivante :
HeklAa [1978 Records]
Lionel Grob [#14 Records]
Secretive [Collectif Kim]
The One Armed Man [Flying Cow Prod]
Dirty Deep [Hell Prod]
Un grand merci aux artistes et aux labels pour leur participation !

Le bilan de la rencontre

Cette première rencontre organisée par la Fédélab dans le cadre du forum entreprendre dans la culture a été riche tant au niveau des contenus et des interventions, qu’au niveau des échanges avec les participants. Des éléments ont sans doute été omis dans le compte-rendu, nous nous en excusons.

A la sortie de cette rencontre, les acteurs de la Fédélab réfléchissent à un événement regroupant plusieurs interventions sur plusieurs jours, accompagné de quelques concerts avec, pourquoi pas un rapprochement avec nos voisins allemands ? Une manière de profiter de la proximité géographique de Strasbourg avec l’Allemagne et de sa dimension européenne pour proposer un nouveau salon professionnel tourné vers le continent. La Fédélab s’inscrit également dans l’organisation en Alsace du
forum entreprendre dans la culture 2016.

N’hésitez pas à nous contacter pour prolonger la discussion ! Et à l’année prochaine !

Contacts

Fédélab – 3b rue Sainte Catherine 67000 STRASBOURG
    / www.facebook.com/fedelab    / www.fedelab.fr
Julien RIMAIRE, Président – 06 80 98 47 11
Joël BEYLER, Trésorier – 06 71 64 95 33
Colin SCHAUB, Relations presse – 06 71 65 09 38